Dans une tribune publiée sur LePoint.fr, Gaspard Koenig - ancien élève de l'École Normale Supérieure et agrégé de philosophie - développe l'idée d'un statut de l'auto-entrepreneur européen ; une idée très sérieusement étudiée par le think-tank qu'il dirige, GenerationLibre. Au départ, il y a la simplicité d'un régime ; ce en quoi réside son "génie"."En quelques minutes, n'importe qui, salarié ou non, peut s'enregistrer pour démarrer toute activité de services ou de commerce ; les impôts et cotisations sociales ne sont redevables que sur le chiffre d'affaires, sous la forme d'une flat tax libératoire (c'est-à-dire indépendante de toute autre imposition). Pas de conditions, d'exemptions, de formulaires à n'en plus finir. Le succès est incontestable, puisque 1,3 million de personnes se sont inscrites en cinq ans d'existence du régime et qu'on recense aujourd'hui 800 000 auto-entreprises dans le pays. Même l'Inspection des finances, dans un rapport paru l'année dernière, reconnaît les mérites de l'auto-entrepreneur pour encourager la prise de risque et faire émerger des activités nouvelles, qui ont généré plus de 15 milliards d'euros de chiffres d'affaires (et, incidemment, rapporté près de 4 milliards au fisc)", explique l'ancienne plume de Christine Lagarde.
Généraliser un statut simple et efficace
Ce constat établi, vient l'idée de généraliser ce statut si séduisant à l'ensemble des pays européens.
"Une nouvelle vision de la société se profile, où le salariat classique laisse peu à peu la place à des modes d'emploi plus autonomes, rendus possibles par la technologie", écrit le directeur de GenerationLibre.
Et seul n'est évidemment pas concerné le travailleur français. La réflexion est ici - activement - portée à une échelle plus globale :
"Si le salariat maintient sa forme juridique, les relations employeur/employés qu’il définit ont évolué. La croissance du télétravail et de l’emploi "atypique" – temps partiel, intérim, sous-traitance, travail indépendant – contribue à l’érosion du "vieux" salariat. L’auto-entrepreneuriat s’inscrit dans ce mouvement d’évolution vers un nouveau modèle social. Selon la 5ème étude européenne des conditions de travail, environ 15% de la population active européenne serait des travailleurs indépendants. Cette proportion varie selon les pays : si l’on en recense moins de 10% au Danemark, en Suède et en Lettonie, ils sont en revanche 15% au Royaume-Uni et plus de 30% en Grèce. En Europe, 23 millions de micro-entreprises ont été dénombrées, soit 85% des emplois créés", précise la note de GenerationLibre. Particulièrement visés : les jeunes, chez qui - en Europe - le taux de chômage atteint 23 %. " Pourquoi ne pas leur donner la possibilité de créer leur propre emploi ?"
France vs Europe
Mais pourquoi vouloir notre modèle ? Nos voisins européens ne disposent-ils pas déjà d'un équivalent au statut d'auto-entrepreneur ?
Faisons un rapide tour d'horizon. Au niveau national, les mécanismes micro visant à encourager l’activité fleurissent. Afin d'étayer son projet, GenerationLibre en liste différents exemples : la "succession burse" autrichienne mise en place en 2008 vise, par exemple, à faciliter la passation d’entreprises. Le programme roumain "The Start", a pour but de développer des compétences entrepreneuriales chez les jeunes.Le "Third Act" allemand de 2009 est, lui, venu simplifier 23 procédures bureaucratiques. La "Data box" tchèque simplifie, depuis 2009, les relations entre les entreprises et l’administration. Le programme portugais "The Simplex", en œuvre depuis 2009, simplifie les procédures administratives.La plupart des pays européens sont par ailleurs dotés de régimes d’entreprenariat individuel. "En Allemagne, les "Mini Jobs" – contrats de travail à salaire modéré – incitent à l’emploi direct. En Espagne, le "self-employed worker", travailleur indépendant sans salarié, se rapproche à première vue de l’auto-entrepreneur. En Italie, le nouveau Président du Conseil, Matteo Renzi, souhaite, lui aussi, mettre en œuvre ce type de dispositif afin de diminuer l’économie informelle."La spécificité de la France ? Elle est la seule à être allée aussi loin dans la simplicité du cadre juridique ; "aucun des dispositifs existants en Europe n’est aussi efficace que le régime de l’auto-entrepreneur", argumente GenerationLibre. "Le dispositif des "Mini Jobs" allemands, par exemple, se voit reprocher d’agir comme une trappe à bas salaire en bloquant la rémunération à 400 euros par mois. Le modèle de l’auto-entrepreneur, au contraire, permet à chacun de vivre de son travail ou de générer un complément de revenu. En Espagne, si le "self-employed worker" peut sembler proche de notre régime, il ne bénéficie en réalité pas des atouts liés au statut d’auto-entrepreneur français : il doit d’une part, tenir une comptabilité, et d’autre part, payer un montant fixe de cotisations sociales qu’il fasse du chiffre d’affaire ou non."Conclusion : "le statut d’auto-entrepreneur constitue à ce jour le modèle le plus efficace".
Un projet facile à concrétiser
Comment mettre en place un tel statut ? Le think-tank a aussi planché sur la question. " Sur le plan juridique, la prochaine Commission est compétente pour prendre l'initiative d'une directive sur le statut de l'auto-entrepreneur, en se fondant sur l'article 53 TFUE (pour les esprits tatillons) qui prévoit "la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant l'accès aux activités non salariées et à l'exercice de celles-ci". Il faudrait ensuite requérir l'aval du Parlement ainsi que de la majorité des États membres, mais aucune unanimité ne serait requise ; un veto de blocage slovaque ne serait donc pas à craindre. Libre ensuite à chaque État de transposer l'auto-entrepreneur dans son droit national", résume Gaspard Koenig.
Alors, à quand un statut de l'auto-entrepreneur européen ?
Pour aller plus loin : Rendez-vous sur le site de GenerationLibre