Interview de Xavier Bertrand pour Auto-Entrepreneur.fr sur les réformes du statut : « Qui peut dire que c’est bénéfique pour l’emploi ? »
Publié le jeudi 24 octobre 2013 dans Actualité du statut .
Fort de son expérience, l'ancien ministre du travail, Xavier Bertrand (UMP), confie à Auto-Entrepreneur.fr son avis sur le statut auto-entrepreneur et dresse un bilan mitigé. Sceptique à propos des réformes envisagées par le gouvernement et Sylvia Pinel, il réaffirme e...
Auto-entrepreneur : l'interview de Xavier Bertrand
En 2009 votre gouvernement, sous l’égide Monsieur Hervé Novelli, a créé le statut auto-entrepreneur. Initialement conçu pour être d’une part un complément d’activité pour des personnes aux faibles revenus et d’autre part un tremplin pour tester un projet ou relancer sa vie professionnelle après une période de chômage, ce statut a-t-il répondu à vos attentes ?
Il fallait vraiment favoriser l’initiative et la création d’entreprise. Le million d’auto-entrepreneur a été atteint en 3 ans dès le début de l’année 2012 alors que plusieurs des promoteurs de ce statut n’en espéraient pas autant avant 5 à 10 ans d’existence ! C’est un succès considérable. Qu’auraient fait ces personnes sans ce statut ? Si pour certaines d’entre elles, il s’agit d’une activité d’appoint, beaucoup auraient été au chômage.
Quel regard portez-vous sur les réformes envisagées par le gouvernement ? Y voyez-vous un véritable désir d’améliorer les conditions d’exercice des auto-entrepreneurs ?
Le Gouvernement montre par ses actes une méfiance de principe à l’égard de l’entrepreneuriat, sans ligne claire par ailleurs. La valse-hésitation initiale sur le rabotage à opérer sur le statut d’auto-entrepreneur entre Mme Pinel et Matignon le démontre bien. Pourquoi limiter dans le temps les avantages de ce statut ? C’est pénaliser une entreprise qui se crée et qui a besoin de la souplesse de ce statut pour se développer. Laissons croître les auto-entrepreneurs à leur rythme. Le gouvernement ne retient même pas les préconisations des rapports de l’IGF et de l’IGAS qu’il a lui-même commandés. Cette approche est mécaniquement réglementariste contre les acteurs eux-mêmes. Le mouvement des poussins le montre bien. L’approche dogmatique produit rarement des effets positifs. Cela se traduit par une baisse tendancielle des créations d’entreprises. Qui peut dire que c’est bénéfique pour l’emploi ?
La dynamique originale, centrée autour des salariés et axée sur la création d’un complément de revenus, a cédé une large place aux chômeurs désireux de s’en sortir par leurs propres moyens. Le statut est actuellement considéré, avec condescendance, comme un palier de décompression de pôle emploi : ne pourrait-on pas plutôt y voir une forme de courage quand une conjoncture économique désastreuse vous cloue au sol ?
Ce statut est le témoignage de la place centrale que nous accordons à la valeur travail, à la prise de risque, au fait que nous voulons faire en sorte qu’on soit encouragé lorsque l’on travaille, que l’on veut créer de la richesse. S’il faut protéger les plus faibles contre les accidents de la vie, il faut aussi que le travail et l’activité paient plus que l’inactivité, même subie. C’est aussi simple que cela. C’est pour cela qu’il faut aider ceux qui entreprennent en France, notamment en période de crise.
Si vous en aviez les moyens, quelles évolutions apporteriez-vous au statut et avec quel objectif concret ?
Il faut sans doute sécuriser encore le recours à cette forme de création d’entreprise. S’il faut condamner des dérives et des fraudes, il faut aussi que les auto-entrepreneurs puissent connaître clairement les règles applicables. Développons le rescrit qui permet de questionner fisc et URSSAF avec réponses qui leur seront opposables ensuite. Il faut sans doute aussi mieux accompagner les auto-entrepreneurs avec un suivi personnalisé, maintenir la simplicité et la gratuité de création et de gestion du régime et le principe de « pas de chiffres d'affaire = pas de charges ou d'impôts à payer ». Le dernier point à travailler serait l'équilibre à trouver pour éviter toute forme de concurrence, qui serait vécue comme déloyale, entre les auto-entrepreneurs et les artisans de certains secteurs, dans le bâtiment notamment, même si cela ne concerne que 17% de l'ensemble des auto-entrepreneurs.
L'ancien ministre du travail, toujours très actif en politique en tant maire de Saint-Quentin et député de la deuxième circonscription de l'Aisne, nous offre ici un avis expérimenté sur l'auto-entrepreneuriat et l'incertitude concernant son devenir.
En soulignant la nécessité pour le gouvernement en place de progresser sur des points clés tels que l'accompagnement personnalisé des auto-entrepreneurs pour faire face à la crise économique et ainsi augmenter significativement les créations d'entreprises, Xavier Bertrand souhaite inscrire le statut auto-entrepreneur au cœur d'une dynamique entrepreneuriale globale, un des seuls moteurs, avec l'innovation, capable de relancer efficacement la croissance et inverser cette fameuse courbe du chômage dont les nouveaux chiffre seront communiqués ce soir même, jeudi 24 octobre 2013 !
Souhaitons tous que ce vœu pieu de François Hollande se réalise effectivement avant la fin 2013 comme il l'a promis. L'auto-entrepreneuriat a un rôle important à y jouer.
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Propos recueillis par Auto-Entrepreneur.fr