Réforme auto-entrepreneur – Interview d’Hervé Novelli

LE 21.08.13

Quel est votre regard sur l’évolution du régime durant ces dernières années ?

Hervé Novelli : « Je suis très inquiet de l’évolution législative que l’on nous prédit sur ce statut, car j’ai souhaité, au fur et à mesure des évolutions, lui donner un caractère universel. Ce qui m’avait guidé, c’est qu’en étant salarié, chômeur, retraité, femme au foyer, étudiant, on puisse, en s’inscrivant, soit en ligne, soit dans les différents organismes qui réceptionnent la création d’entreprise, créer son activité.

La philosophie de la réforme était donc l’universalité. Or depuis quelques temps, on revient sur cette universalité.

Prenons par exemple, le projet de loi de Mme Lebranchu, Ministre de la Fonction Publique, qui interdit le cumul d’une activité de fonctionnaire avec une activité d’auto-entrepreneur pour les fonctionnaires à plein temps. Finalement, l’initiative de Mme Lebranchu permet d’avoir une vision de ce que souhaite le gouvernement dans son ensemble : limiter l’activité des auto-entrepreneurs.

J’en cite trois exemples dans le projet de loi présenté ce matin :

  • Premièrement, on créé dans le texte un seuil intermédiaire, donc quoi qu’il arrive, on va limiter les revenus des auto-entrepreneurs et leur rendre plus difficile l’exercice de leur activité sous cette forme.
  • Deuxième sujet qui n’a pas fait l’objet de beaucoup de commentaires et qui est lui proprement scandaleux, l’article du projet de loi dispose que si un auto-entrepreneur ne déclare pas de chiffre d’affaires pendant un an, on va lui supprimer les bénéfices des crédits liés à la formation. C’est-à-dire en clair, que plus on a des difficultés, moins on aura de formation. On va là encore à contre courant de ce qu’il faudrait faire.
  • Enfin, on rend obligatoire l’inscription de tous les auto-entrepreneurs au Registre du Commerce et des Sociétés ou au Registre des Métiers. Cela veut donc dire que l’on va créer un fichier gigantesque d’un million de personnes, pratique pour les contrôles, mais qui va entraîner une bureaucratie supplémentaire à la gestion kafkaïenne.

Ce texte passe à côté et est contradictoire avec les objectifs avoués, en tout cas explicites, du gouvernement, sur la croissance et sur l’activité.

Comment peut-on soutenir que l’on va chercher la croissance économique, que l’on va promouvoir l’activité, et dans le même temps amoindrir l’activité de ces auto-entrepreneurs ? » 

Comment expliquez-vous, malgré le succès du statut, la direction prise par le gouvernement ?

H.N. : « Il y a d’abord une raison idéologique. Le travail indépendant n’est pas dans la culture majoritaire à gauche et qui consiste à voir la société divisée en classes, avec d’un coté les salariés et de l’autre coté les patrons. Le statut auto entrepreneur fait fi de cette classification et a du mal à être compris par une partie de la gauche.

La deuxième raison est le poids des protestations de ceux qui s’érigent en représentants des artisans et qui hurlent à la mort.

Le troisième front, où les protestations sont les plus vives, c’est là où il y a des barrières à l’entrée. On le voit sur le sujet des taxis contre les véhicules de tourisme avec chauffeur où c’est la même chose. Des nouveaux entrants se heurtent à ceux qui estiment qu’il faut un numerus clausus et peu de monde.

Les chambres de métier devraient reconnaître qu’elles ont une énorme chance, en voyant arriver à elles les gens qui auparavant ne seraient jamais venu et auraient exercé leur activité dans leur coin. Avec ce statut, il y a une chance de dynamiser très fortement l’activité, y compris les métiers de l’artisanat. Ils feraient mieux de considérer cela plutôt que d’essayer de les freiner. » 

Alors maintenant, que faudrait-il faire ?

H.N. : « Il faut tout d’abord s’interroger sur les raisons du succès : pourquoi le statut auto-entrepreneur a marché ? Parce que c’était très simple.

Ces vertus de simplicité du statut, on est en train peu à peu de les dépouiller : on augmente les charges, on en créé de nouvelles, on complexifie, on rigidifie, on bureaucratise.

D’autre part, je rappelle que lorsque l’on interroge les auto-entrepreneurs, à la question : « si ce statut n’avait pas existé, est ce que vous vous seriez lancé ? » 80% répondent non. Aujourd’hui en France, une entreprise sur deux qui se créé le fait sous le régime de l’auto-entreprise donc tuer ce régime, c’est diminuer de moitié la création d’entreprise dans ce pays et je me battrai pour empêcher cela.

Plus généralement, je pense qu’au contraire il faudrait que les vertus de simplicité du régime soient transférées sur les autres régimes d’entreprise. »

 Comment suggéreriez-vous d’améliorer la complémentarité entre les artisans et les auto-entrepreneurs artisans puisque finalement c’est de cela dont il s’agit ?

H.N. : « Exactement, ils ne font pas de concurrence déloyale. Ce qui m’énerve c’est le procès qui est intenté aux auto-entrepreneurs sur des fausses bases. Un rapport de l’IGF et de l’IGAS a indiqué que la concurrence, si elle pouvait exister de manière déloyale, était très marginale. Ce rapport montre que dans le bâtiment le chiffre d’affaire des auto-entrepreneurs représente 0.7% du chiffre d’affaires réalisé par toutes les entreprises du bâtiment de moins de 20 salariés !

Les auto-entrepreneurs ont les mêmes charges que les travailleurs indépendants : on est au delà de 20% de charges sur les chiffres d’affaires. Les artisans ont 42% ou 50% de charges mais c’est sur leur bénéfice, les 20% des auto-entrepreneurs, c’est sur le chiffre d’affaires.

La concurrence déloyale pour moi ne tient pas. » 

Aujourd’hui une mission dirigée par Laurent Grandguillaume doit rouvrir le dialogue avec les différents acteurs concernés. Pensez vous qu’il y ait un bon espoir que le régime soit préservé ?

H.N. : « J’espère d’abord être auditionné par ce député. Demander à celui qui a initié le statut de venir témoigner, y compris de ses limites ou insuffisances, ca me semble être quelque chose de bien et je serai très déçu si M. Grandguillaume ne me demandait pas de témoigner. J’espère convaincre, avec d’autres, de l’utilité de ce statut et des risques qu’on prend en le modifiant tous les jours. »

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